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La mégapole congolaise Kinshasa passera-t-elle en mode de confinement? Si oui, à quelles conditions?

Kinshasa, la mégapole congolaise avec ses près de 15 millions d’habitants, n’était toujours pas confinée mardi 31 mars malgré ses près de 100 personnes infectées du virus tueur COVID-19 avec 8 décès et, seulement, trois guérisons enregistrés.

Jeudi 26 mars dans la soirée, son gouverneur Gentiny Ngobila Mbaka tirant les conséquences de l'état d’urgence décrété deux jours auparavant le 24 mars par le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo dans son deuxième message à la Nation faisant suite à celui du 18 mars se rapportant à la crise sanitaire planétaire, avait annoncé le bouclage de la ville à partir de samedi 28 mars 2020 pour une période de trois semaines avec cependant des jours de relâche.

A la veille de l’application de cette mesure, le Chef de l’Etat a fait annuler la décision.

Outre que dans une ville capitale, cette mesure de «couvre-feu» ne relevait pas de son ressort mais le gouverneur n’en avait informé ni aucune autorité supérieure ni le mécanisme de suivi sanitaire, ni prévu aucune mesure d’accompagnement dans une ville et un pays où la population précarisée à l’extrême, vit au jour le jour comme partout en Afrique, survit par la rue, en allant rencontrer un parent ou en se rendant au marché quand en Occident où le confinement est une mesure unanime, l’Etat redevenue providence accompagne ses citoyens par une aide financière directe ou par différentes autres mesures de soulagement social, gratuité de l’eau et de l’électricité, non-paiement d’impôts ou autres taxes, paquets repas offerts aux plus pauvres comme en Afrique tel au Rwanda, où des distributions porte-à-porte de nourriture sont organisées par les pouvoirs publics.

«CONFINER UNE MEUTE DE CHIENS DANS UNE CAGE».

«Confiner une ville comme Kinshasa ou toute autre ville d’Afrique sans un train de mesures de prise en charge, c’est comme enfermer une meute de chiens dans une cage, la laisser affamée pendant plusieurs jours et on sait ce qui arrive quand vous venez à ouvrir la porte si les chiens eux-mêmes n’ont pas poussé la porte…», analyse un diplomate.

«La cage doit d’ailleurs se comprendre comme une valeur ajoutée et non un enfermement pour le canin; on l’y accompagne d’un «au panier» ou «à ta place» tout en continuant à lui donner des friandises avant de commencer à fermer la porte», poursuit ce diplomate.

En clair, s’investir afin que le chien apprécie le lieu de confinement. Cela suppose consensus.

Or, rien de tel n’avait été prévu pour la ville de Kinshasa.

Du coup, il y avait beaucoup à craindre à voir les scènes de panique observées vendredi 27 mars sur les marchés des communes de la Tshangu au lendemain de l’annonce du gouverneur.

Or, les Kinois disent : «Si on meurt de toutes façons, autant y aller le ventre plein qu’affamé».

Dans ces conditions, comment la ville aurait-elle pu tenir sans marché ouvert, sans guichet de banque, sans eau (l’Organisation Mondiale de la Santé et les autorités congolaises préconisant fermement le lavage permanent des mains), sans électricité, sans visiter un parent en mesure d’apporter un soulagement quelconque, ce qui aggraverait la tension sociale?

La capitale Kinshasa dont l'épicentre du coronavirus reste, depuis l’apparition du virus, sa commune résidentielle huppée, à savoir la commune de la Gombe qui abrite palaces, banques, ambassades, administrations publiques dont les sièges de la Présidence de la République, de la Primature et des ministères, n’est plus désormais la seule ville du pays à être touchée.

Des annonces plus au moins confirmées ont été faites par le mécanisme de riposte et l’INRB, l’Institut National de Recherches Bio-Médicales selon lesquelles deux autres villes Mbuji-Mayi et Bukavu sont atteintes quand une nouvelle polémique fait jour : des dignitaires atteints du virus tueur n’ont pas confiance au mécanisme officiel mis en place par l’Exécutif qui n’aurait réquisitionné aucun établissement hospitalier pour la prise en charge, ne leur aurait doté d’aucun équipement pour la réponse (ni matériel de protection pour le personnel médical, ni médicaments, ni respirateurs, ni ambulances, etc.) outre que ces officiels soupçonnés de porter le virus préfèrent se faire soigner à domicile par diverses méthodes.

CRAINTES DES SCENES DE DESOLATION ET D’EMEUTES.

Le «confinement total intermittent» décrété aurait pris effet samedi 28 mars avec relâche mardi 31 pour deux jours mercredi 1er et jeudi 2 avril en vue de permettre aux Kinois de faire des provisions avant de reprendre vendredi 3 avril pour trois jours pour un nouvel arrêt lundi 6 avril et, à nouveau, une période de confinement total de trois jours pour une nouvelle fois faire relâche.

Seuls des agents de l'Administration publique désignés pour assurer un service minimum ainsi que du personnel soignant en service seraient autorisés à circuler à condition de «se rendre au lieu de travail», avait indiqué le gouverneur pour qui la police veillerait «rigoureusement au respect de toutes ces mesures et à la sécurité de chaque citoyen de la Ville» en demandant «aux responsables de différents supermarchés de prendre des dispositions idoines afin de permettre à leurs clients un accès ordonné et sécurisé par l'observance de la distanciation sociale».

«Pendant les deux jours de ravitaillement, les mesures prises précédemment par le Président de la République et moi-même, sont de stricte application».

Si ces mesures de confinement très critiquées par des hommes du pouvoir comme de l’opposition et manifestement inappropriées avaient été prises, elles auraient été non seulement un terrible défi pour les autorités et les forces de l’ordre à les faire respecter mais plus que ça, elles auraient conduit à des scènes de panique, de désolation publique, d’émeutes et de pillage des magasins de vivres et d’entrepôts, des banques et des habitations des particuliers, détruisant encore plus un tissu économique en lambeaux.

Si le pays figure sur la liste des pays les plus pauvres au monde malgré un sol et un sous-sol des plus riches de la planète, le gouverneur de Kinshasa avait, dans son discours, fait appel à «l'empathie qui devrait, selon lui, être désormais le maître mot de nos relations humaines» insistant sur «notre solidarité kinoise», exhortant Kinois, secteur privé, propriétaires des habitations de location, «à tendre une main secourable à ceux d'entre nous qui en ont le plus besoin».

Puis directement, Ngobila s’était adressé à ses concitoyens en les appelant à ne céder «ni à la panique, ni à la manipulation, ni à la désinformation», à n'écouter «que les conseils des experts qui renseignent nos services de santé».

Une somme de rêveries que n’aura nullement partagées le Président de la République au titre de Chef de l’Etat dans son rôle constitutionnel d’arbitre du «fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des Institutions de l’Etat » (art. 69 de la Constitution de la République»).

Près d’une semaine après les annonces du gouverneur Ngobila, la ville de Kinshasa reste sans mesure de confinement, les marchés et supermarchés sont ouverts.

Même si rues et boulevards donnent l’image des jours de week-end, un confinement individuel est observé, l’Exécutif national ayant réduit le nombre de fonctionnaires susceptibles de se rendre à leurs bureaux.


ALEKI MBOWO.

Commentaires

MATATA RonaldoMars 21, 2020 At 9:03 AM

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